Je vous partage une page du livre “How to read signs and omens in everyday life” de Sarvananda Bluestone. Cet extrait donne un éclairage particulièrement intéressant sur la lecture (de tarot, ou tout autre support “divinatoire”) : il n’y a pas que le consultant qui s’ouvre, la relation ne peut donc pas ne pas être parfaitement égalitaire, contrairement à ce que pourraient prétendre ceux qui pratiquent par ego. C’est moi qui traduis.

Un mot sur la traduction : en anglais, “reading” s’utilise indifféremment selon le support de divination utilisé, que ce soit la voyance, les signes, ou n’importe quoi d’autre, alors que nous utiliserons davantage le terme spécifique de “tirage” si on parle du cas où l’on lit un support qui se tire, comme le tarot ou les runes. On peut donc facilement dire “to read someone” (lire quelqu’un) dans le sens de “faire un tirage à quelqu’un”, et “reader” (lecteur) pour dire “praticien de divination”. Le sens est à la fois plus large (“read” n’indique pas le support utilisé, cela peut être juste l’écoute ou l’analyse consciente) et plus profond (on comprend que ce n’est pas le support qui contient la vérité recherchée, mais la personne).

Dans la traduction qui suit, je vais rester proche des formulations anglaises : en parlant indifféremment de “lire quelqu’un” et de “faire une lecture à quelqu’un”, Bluestone nous fait comprendre que le support n’est qu’un prétexte, qui s’efface derrière la relation d’ouverture d’une personne à l’autre et de l’autre à l’une. La personne “lue” (à qui on fait un tirage) accepte d’être “vue”, et le lecteur (celui qui fait le tirage) accepte de laisser ses préjugés de côté pour considérer sans jugement un tout autre point de vue que le sien. C’est donc un moment de confiance partagée : ce n’est pas un consultant qui s’en remettrait à un praticien, lequel resterait dans la position “supérieure” du “sachant”, mais bien un moment de rencontre où chacun s’ouvre à l’autre en toute égalité.

How to read signs and omens in everyday life, Sarvananda Bluestone, Destiny books, 2002, p. 188

Une lecture est un acte de confiance.

Lire (les signes, les supports de voyance, les personnes…) est un processus de découverte. Si vous connaissez déjà les réponses, à quoi bon faire une lecture ? Qu’il soit un maître de feng-shui chinois cherchant l’emplacement idéal pour construire une maison, ou un devin Naskapi observant les fissures sur un morceau d’os brûlé, tout lecteur aborde sa lecture d’un œil entièrement neuf. C’est de cette façon que nous lisons autrui.

La tentation pour tout lecteur, c’est de tout connaître. Mais en réalité, le mieux qu’il puisse faire, c’est être un miroir très bien poli. Chaque personne a en elle-même la connaissance la plus complète de son être. Aucun lecteur ne peut dire aux autres quoi que ce soit à leur sujet qu’ils ne sachent déjà, à un certain niveau. Au mieux, on peut dire qu’un lecteur entre en contact avec la conscience supérieure de la personne lue. C’est un soulagement : la lecture devient beaucoup moins effrayante du fait que nous ne disions rien aux autres à leur sujet qu’ils ne sachent déjà. Même si ce que nous savons déjà nous fait peur, une lecture ne peut pas nous effrayer plus.

Cela facilite la tâche du lecteur. Un lecteur n’est rien d’autre qu’un miroir de la vérité que chaque personne possède. Il est neutre, impartial et honnête autant qu’il puisse l’être. Neutre et impartial – ce sont des qualités difficiles à trouver en soi.

Nous portons tous des jugements. Nous avons tous des sentiments sur ce qui est bien et ce qui est mal – pour nous et les autres. Quand on lit quelqu’un d’autre, il faut être conscient de ces biais ; et ensuite, il faut essayer de les suspendre. Lire une autre personne consiste à réfléchir l’image de cette personne et à la décrire. Ce n’est pas lui dire quoi faire.

Un farceur a dit un jour que le conseil était la seule chose au monde que l’on donne gratuitement et que pourtant personne ne prend. C’est vrai. D’un autre côté, on n’a jamais entendu parler d’un miroir qui aurait son propre point de vue. Le miroir, c’est ce que nous devenons lorsque nous lisons.

Quand nous lisons une autre personne, nous avons l’obligation d’être aussi exempts de préjugés qu’il est humainement possible. En tant que lecteur, nous avons un grand bénéfice à tirer de cela. D’habitude, cela n’arrive pas de rencontrer une situation où nous soyons obligés de laisser tomber nos projections, notre moralité, nos jugements.

Faire une lecture est un acte de confiance à double sens. La personne qui est lue accepte d’être vue. Cela peut sembler trivial, mais cela signifie aussi que le lecteur accepte de s’ouvrir pendant un moment. C’est un acte de confiance. La personne qui fait la lecture accepte de voir l’autre personne et de dire ce qu’elle voit de manière claire et impartiale. C’est un second acte de confiance.

How to read signs and omens in everyday life, Sarvananda Bluestone, Destiny books, 2002, p. 188