L’excellent Dixit est un jeu créatif, onirique, qui a l’avantage de fonctionner aussi bien avec des joueurs invétérés que des novices complets du jeu de société.

Le matériel : un gros paquet de cartes sans texte, porteuses d’illustrations rêveuses, ambiguës, symboliques. Les règles : chacun son tour, les joueurs prononcent une phrase ou quelques mots qui leur sont évoqués par une de leurs cartes, puis la posent face cachée sur la table. Les autres joueurs devront alors rivaliser : ils poseront eux-mêmes une carte choisie pour s’approcher au mieux de ce qui a été dit, afin de tenter de la faire passer pour la carte originale ; et en même temps, ils essaieront de reconnaître parmi celles des autres, la carte du premier joueur. Le but : accumuler des points en retrouvant la carte originale, et tromper les autres en faisant passer sa carte pour celle qui a évoqué la parole du premier joueur !

dixit chatLa règle paraît compliquée dans l’abstrait mais un simple tour d’essai permet de se familiariser définitivement avec le mécanisme. Les illustrations fournies avec le jeu sont absolument délicieuses, pleines de symboles qui font partir l’imagination à bride abattue, et qui se répondent les uns aux autres pour le plaisir de l’ambiguïté. C’est un moment de partage, de fous rires et d’instants rêveurs.

Quant à savoir si la règle de Dixit fonctionne toujours lorsqu’on le remplace par un jeu de tarot : c’est fait ! Le Rider-Waite s’y prête particulièrement bien avec ses mineures illustrées par des scènes symboliques. C’est un bon moyen de familiariser les débutants avec leurs cartes ; et surtout, de s’habituer à lâcher prise, à laisser venir les idées librement face à telle ou telle carte. Ainsi, on se libère du réflexe “mémoriel”, qui fait se demander devant chaque carte “mince, qu’est-ce qu’on m’a dit qu’elle signifiait, déjà ?”. radiant rider waite 4 coupesOr, cette tension intellectuelle bloque le passage au sentiment de justesse qui signale une interprétation réussie. Plus on a l’habitude de l’approche intuitive, c’est-à-dire celle qui permet aux idées évoquées par la carte de s’exprimer sans passer par la “censure”, plus les véritables tirages seront aisés et fluides.

La plus grande difficulté à surmonter lorsqu’on apprend à tirer les cartes, c’est en effet la crainte de “se tromper”, d’ “avoir faux” – mais il n’y a pas de corrigé extérieur à votre tirage. Si vous sentez que votre interprétation a du sens, alors surtout, ne vous corrigez pas : un corrigé aurait peut-être du sens pour quelqu’un d’autre, mais la seule chose qui compte dans votre tirage, c’est ce qu’il vous permet de comprendre sur vous-même. En détournant les cartes dans le cadre d’un jeu amusant, on s’habitue à ouvrir le champ des associations possibles et on se prépare à exprimer leur véritable richesse.