Difficile carte que celle-là, qui semble parler de douleur émotionnelle alors qu’elle n’est censée considérer que l’élément intellectuel : en effet, une longue tradition la représente illustrée d’un coeur percé de trois épées. Pourquoi la création du 3, appliquée à l’intellect, donnerait-elle un résultat négatif ? Développer un raisonnement est plutôt passionnant, non ? Et la tristesse devrait plutôt être une affaire de Coupes. Essayons de comprendre la leçon de cette carte.
Devant la carte du Rider-Waite, qui montre trois épées dont une grande en train de percer un coeur rouge, une image vient à l’esprit : enfoncer des épingles dans un coussinet de soie, avec un plaisir cruel. Le 3 indique la « génération à partir de soi-même » découverte dans l’Impératrice (d’où le côté intellectuel de cette dernière) ; mais sans l’amour dont elle faisait preuve.
Nous découvrons donc l’idée que l’intellect, dès qu’on le laisse travailler seul, cesse de prendre en compte le sentiment : un raisonnement logique est fait pour être logique, pas pour nous faire plaisir. Et d’ailleurs, on se rend bien compte que lorsque nos pensées s’enchaînent et s’engendrent les unes les autres sans ordre ni raison, c’est en général sur un sujet désagréable (énervant, anxiogène, etc).
En créant « à partir d’elles-mêmes », les épées sont parties de leur propre côté, sans prendre en compte les sentiments qu’elles ne s’empêchent pas de brusquer. La raison se crée des raisons d’écraser les sentiments.
C’est de cette idée de tristesse douloureuse que viennent les interprétations traditionnelles de jalousie, coeur brisé, etc. Tu aimes cette femme ? Eh bien tant pis pour toi, car voici des informations objectives : elle a dit des paroles dures, la situation n’est pas tenable. La notion de triangle amoureux se défend aussi : il n’est plus possible de rester dans l’indécision du 2 d’Epées, la troisième grande épée vient nous mettre devant la nécessité de trancher, mais on va souffrir quel que soit notre choix. Le plus raisonnable aujourd’hui est peut-être de rompre ; le coeur peut vouloir une chose dont l’esprit sait clairement qu’elle n’est pas possible. Cette carte apparaît souvent dans un tirage où il est nécessaire de reconnaître la douleur du consultant, tout en insistant sur la nécessité d’avancer et de trancher ce qui nous retient (par exemple, les sentiments que l’on a encore pour quelqu’un qui nous traite mal).
Bonjour
Et si ces 3 épées dans le coeur était un symbole des 3 clous (épées) dans le corps de JC (le Coeur) en croix ?
Je suis bien d’accord. Pour cette raison, le 3 d’Épées du tarot de Marseille-Waite a été tiré d’une enluminure représentant, justement, le Sacré-Coeur.
…ne me suis pas encore bien positionnée j’avoue …
d’où au passage que je trouve à votre site une énorme utilité…
La lecture du Tarot est une construction artificielle qui date du XVIIIe siècle. L’idée de base est restée (faire correspondre les cartes à un système philosophique) ; ensuite, chaque auteur interprètera ce système un peu à sa manière. Dans le Rider, le 5 est toujours un chiffre de conflit parce qu’ils se réfèrent davantage à la kabbale que Jodorowsky, qui en reste à la numérologie traditionnelle. Impossible d’harmoniser toutes les théories sauf à y aller au marteau, ce qui n’est pas utile à mon avis, vu qu’il n’existe pas de lecture « authentique ». Il vaut mieux choisir parmi les systèmes celui qui nous paraît le plus solide.
Rebonjour,
Oui dans votre encart sur la place des 3 cavaliers entre autre, vous relevez bien que l’ écart principal entre l’enseignement de Jodo et les tenants du Rider-Waite tient dans une sorte d’abstraction pour l’un et de on va dire pragmatisme pour les autres. Cependant cela ne suffit pas à expliquer les grandes différences d’interprétation, notamment numérologiques, pourquoi le 5 le 7 un 3 d’épée etc seraient-ils mauvais à-priori ?
La pratique est conditionnée par la solidité de ce qu’on a d’abord appris. Est-ce trop exiger qu’une harmonisation de toutes ces théories ?
C’est vrai ; j’ai l’impression que le Rider « force » un peu le système ici pour rester dans la tradition des premiers tarots, qui ont très tôt illustré cette carte-là de façon violente. Dans la pratique, il semble que parler de douleur et de coeurs brisés parle de façon claire et efficace, alors que la lecture de Jodorowsky n’est pas toujours facile à appliquer dans le concret. Les significations du Rider-Waite sont calquées sur celles du tarot de Marseille, donc on peut très bien lire l’un comme l’autre ; après, lorsque les interprétations de différents auteurs se contredisent, il suffit de choisir celle qui nous semble la plus facile à appliquer dans la pratique.
Bonjour Emmanuelle,
Ce 3 d’épée me pose aussi question, comme toutes cartes qui ont été illustrées de façon violente surtout avec les épées qui tuent transpercent, isolent, etc mais ces significations négatives apparaissent-elles si l’on se réfère uniquement au tarot de Marseille ? En tout cas dans la Voie du tarot (Jodo) il y est question » d’éclatement fanatique des premières idées…signe d’enthousiasme d’évolution intellectuels… » On est loin de la douleur des coeurs brisés !