Le Tarot nous parle de notre chemin d’éveil. Lorsque plusieurs personnages apparaissent dans une carte, c’est pour représenter différentes parties qui nous constituent. Si l’une regarde l’autre, alors cela nous permet de comprendre comment nos différentes facettes s’articulent et travaillent ensemble. Il est intéressant d’observer l’évolution des jeux de regards au fur et à mesure qu’on avance dans les Majeures, pour voir précisément ce qui change.
Souvenons-nous déjà que les deux sexes du Tarot sont des symboles. Donc, ce n’est jamais littéral. Le principe féminin est assimilé à la réceptivité et le principe masculin à l’action ; cela ne veut pas dire que les femmes sont censées rester passives. Une femme réelle utilise son principe masculin (yang) dès qu’elle agit, et son yin féminin dès qu’elle écoute, et les hommes peuvent faire de même – il est déplacé de voir du sexisme dans la symbolique des majeures comme des figures de cour, car c’est confondre symbole (principes) et réalité (organes génitaux).
Le premier jeu de regards que nous rencontrons se trouve sur la carte de l’Amoureux, version Rider-Waite. Nous avons déjà vu que cette représentation non traditionnelle de la question du Choix n’était là que pour approfondir et clarifier ce qui était déjà représenté sur le tarot de Marseille : la raison ne suffit pas pour faire le bon choix, il faut écouter son affectivité (la flèche de Cupidon) car elle est branchée à un savoir supérieur. Ainsi, sur le Rider-Waite, l’homme (principe actif représentant la raison, conscience agissante) regarde la femme (principe réceptif qui représente l’affectivité, l’intuition) car il sait pouvoir lui faire confiance : celle-ci a en effet la possibilité de se connecter à un Moi supérieur (l’archange), invisible pour la raison mais qui lui garantit de ne jamais se tromper.
Deuxième jeu de regards entre les mêmes personnages : le Diable. On retrouve Adam et Eve sous forme de petits diablotins ; cette fois-ci Eve regarde un peu dans le vide, et le Diable, singeant la position du Pape, présente sa main ouverte pour nous montrer qu’il n’y a rien de caché / de sacré. Nous avons déjà appris, avec le Pape, qu’il fallait savoir écouter ; l’Amoureux nous a montré la configuration correcte qui se produisait lorsque nous faisions le bon choix. Le Diable, c’est la carte qui montre l’erreur. Ici, la femme ne regarde personne. En termes clairs, cela veut dire que l’on suit le principe de plaisir : ma volonté suit ce que me dit l’affect (j’aime bien ça), et ça ne va pas plus loin. Cette erreur de branchement, qui empêche la validation par un principe supérieur, va évidemment nous attirer les ennuis de la carte suivante. Le but de la suite des majeures est de nous faire prendre conscience que notre véritable désir va dans le sens du reste de la Création ; suivre un caprice personnel qui s’oppose au monde, c’est donc s’illusionner, confondre envie et Désir.
Troisième jeu de regards : après l’illumination Etoile/Lune/Soleil, le Jugement fait à nouveau apparaître un couple. Sur le Rider-Waite, tout le monde est tourné vers l’archange, suggérant une réconciliation de toutes nos parties avec la volonté divine ; en effet, on vient de s’éveiller à l’idée que notre Désir n’était en réalité qu’une parcelle de la Volonté générale. La version de Camoin-Jodorowsky introduit un détail supplémentaire, qui nous paraît particulièrement intéressant : alors que dans l’Amoureux, l’homme regardait la femme qui regardait l’ange, ici la situation est inversée. La femme regarde l’homme qui regarde l’ange. Maintenant, la volonté consciente (l’homme) agit dans le monde selon la Volonté divine, qu’il a su identifier à son Désir ; et l’affect (la femme) suit sans broncher ce chemin-là. Ainsi une vie « sainte » est celle de la personne qui fait toujours le bien autour d’elle, et en retire de la joie. Cet intéressant renversement nous semble particulièrement bien montrer le changement qui s’opère chez celui qui a su se réconcilier avec lui-même et avec le reste de la Création.
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