On sait ce qu’on veut faire, on sait comment le faire, et pourtant on ne le fait pas. Les réflexes qui nous possèdent et font qu’on n’est plus nous-même, qu’on réagit mécaniquement plutôt que de prendre librement une décision qui soit la nôtre, on peut les appeler fantômes ou démons. Ce mot rend l’exorcisme plus facile, surtout armés de notre ami le Tarot !

Nous sommes divisés. Nous n’avons pas seulement du mal à faire ce que nous voulons : nous faisons même tout le contraire ! Quelle sorte de créature va jusque-là ?

Exemple : Martine passe son temps à faire des reproches injustifiés à Martin pour le pousser à exploser. Ce n’est pas qu’elle souhaite vivre avec quelqu’un qui explose tout le temps. Comme ils vivent ensemble, elle aurait plutôt intérêt à ce que ça se passe bien. D’ailleurs, Martine est une bonne personne à part ça, et elle aime Martin, donc elle veut son bonheur.

Chez le psychanalyste, elle découvre que son attitude détestable est exactement celle de sa mère, qui passa sa vie à cacher aux enfants que leur père l’avait trompée, tout en lui faisant payer le prix fort tous les jours.

Et Martine se rend compte que c’est la douleur de sa mère qui s’exprime par sa bouche chaque fois qu’elle en a l’occasion (Martin a oublié d’acheter du pain et se fait pourrir). On peut dire que Martine est proprement possédée par sa mère à ce moment-là. C’est un fantôme.

 

Autre exemple : Maurice a décidé de reprendre sa vie en main. Il sait parfaitement ce qu’il veut faire, est lucide et honnête avec lui-même : il doit changer certaines choses et arrêter de procrastiner. “Il suffit de le vouloir”, se dit-il, et il le veut, alors ça devrait aller.

Tromperie, justifications fausses... Procrastiner !

Tromperie, justifications fausses… Procrastiner !

Sur son ordinateur, l’icône d’un jeu en ligne. Son discours intérieur, de positif et volontaire, se change tout à coup en “Oui, mais là tout de suite, je suis un peu fatigué. J’aurais besoin de me détendre. Je me donne juste le temps d’atteindre le high score, qui est tellement proche que ce serait bête d’être arrivé jusque-là pour abandonner maintenant. Et puis si j’essaie de commencer à changer en ne me donnant que des contrariétés, je ne serai plus motivé pour quoi que ce soit. De toute façon c’est juste une fois, après je le désinstalle. Et puis il est déjà 18h, on ne peut plus rien commencer à cette heure-là. Et puis je suis contrarié à cause de Sophia qui n’a pas répondu à mon texto. Si elle veut foutre en l’air ma soirée, je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit à mon petit plaisir !”

Mais qui, qui fait le travail énorme d’inventer toutes ces justifications ?

Est-ce que c’est Maurice, dont la volonté claire est de ne plus jouer pour enfin suivre la voie qui l’intéresse, comme il se l’est solennellement promis une minute avant ?

On dirait que non, parce la voix qui est en train de parler semble avoir une volonté tout à fait inverse. Comme elle finit par l’amener précisément à faire ce qu’il ne voulait pas, on dirait bien que Maurice aussi est possédé. Cette-fois, disons que c’est un démon – pas un fantôme, puisqu’il ne reproduit pas les actes d’une autre personne que lui.

 

addictionCes fantômes et ces démons ont le culot d’agir à notre place alors que, si nous étions entièrement libres, nous ferions tout l’inverse de ce qu’ils nous amènent à faire ! Martine ferait en sorte d’être heureuse avec Martin, Maurice se consacrerait à ce qui l’intéresse, et tout le monde serait content. Or, ces réflexes contournent nos circuits décisionnels pour agir avant que nous ne nous rendions compte de quoi que ce soit. Notre conscience se fait tellement rouler dans la farine qu’elle croit même être aux commandes pendant que nous engueulons Martin, alors que ce sont de purs mécanismes.

Une machine n’est pas libre : elle agit selon sa programmation, ce que son créateur a décidé pour elle. Nous refusons une telle vie parce que nous avons la possibilité d’être libres, c’est-à-dire de décider nous-mêmes ce que nous voulons faire plutôt que d’obéir à ce que d’autres ont décidé pour nous. Nous avons le libre-arbitre, c’est-à-dire la capacité à faire ce que nous décidons. Mais avoir la capacité ne suffit pas à ce que ça fonctionne tout seul…

Ce sont des réflexes inconscients, c’est-à-dire qu’on n’a pas conscience d’eux quand ils se manifestent. Heureusement, s’en rendre compte leur coupe l’herbe sous le pied et rend à nouveau possible d’agir par soi-même. C’est effrayant sur le moment, mais ça soulage : plus on laisse les démons s’exprimer, plus ils nous mettent dans des situations intenables !

exorcismeLes outils pour cela : tout ce qui consiste à s’observer pour prendre conscience de ce qui, chez nous, était de l’ordre du mécanisme, de l’expliquer et de le dépasser. Psychanalyse, psychothérapie, pleine conscience… toutes ces disciplines ont le même but. Le Tarot est pratique aussi parce qu’on le tire au hasard. Cela empêche tous les petits démons d’avoir prise. En effet, ils ne peuvent fonctionner que grâce aux petits mensonges qu’on se fait à soi-même ; on se construit une réalité dans laquelle ils peuvent agir en douce, mais… le hasard ne s’embarrasse pas de ça, alors quand la carte arrive, elle ne correspond pas à ce qu’on se racontait. On se demande pourquoi ; on interroge alors ce qui nous semblait une évidence : voilà, le démon est trahi !

D’ailleurs, le Rider-Waite n’oublie pas de représenter ces petits démons. Voyez tous ces personnages qui font quelque chose de bête sans y être obligés. Le 4 de Deniers a posé une pièce en équilibre précaire sur sa tête parce qu’il n’avait plus assez de bras pour la porter, à force de se laisser aller au démon de l’avarice ; ça n’a pas l’air très confortable. Le 7 d’Epées est tellement heureux de se sentir plus malin que les autres qu’il part en tenant les épées par la lame. Le 8 a des excuses pour ne pas avancer ; mais on a vu liens plus solides… Les voir représentés avec autant d’évidence nous donne le recul nécessaire pour les identifier avec humour. Tous les démons se prennent au sérieux : le rire est donc une arme absolue.