La suite sur les obstacles qui menacent le jeune lecteur de Tarot dans sa progression vers la maîtrise complète de notre jeu préféré. Un des intérêts du Tarot, c’est qu’il contient déjà un système bien précis (ou du moins une place « en creux » tout aussi précise pour le nôtre) ; la tradition nous fournit donc un garde-fou qui aide énormément pour autant qu’on ne se laisse pas impressionner.

La première partie de cette série d’articles est ici.

2. Oublier qu’il y a un système pour nous aider

Letterpress Tarot, par Andy Manthei

Letterpress Tarot, par Andy Manthei

On n’est pas dépourvu face aux cartes : chacune fait partie d’un système bien précis qui lui donne une place connue. Cette place est assez flexible pour nous laisser la place de l’interpréter conformément à notre situation personnelle, tout en étant juste assez rigide pour nous empêcher de partir dans l’espace ou de nous retrouver confrontés à l’angoisse de la page blanche.

Par exemple, si on considère que la Papesse dit « Quelque chose de caché » (conformément à sa place dans la suite des arcanes majeurs), alors on pourra l’interpréter comme l’idée de garder le secret, si la question porte sur quelque chose à avouer, ou comme une relation cachée, si c’est une question de relations. Dans tous les cas, « Quelque chose de caché » fournit une amorce ; le travail est de trouver ce que cette amorce a à voir avec votre question, ce qui fournit un prétexte à une réflexion inédite. Il ne faut surtout pas oublier que c’est cela le but du Tarot, avant toute autre chose : vous donner les moyens de poser une réflexion qui aurait été plus difficile à mener sans l’appui d’un outil philosophique et surprenant. Oublier cela, c’est risquer de se retrouver « scotché » devant un tirage dont on ne sait pas quel bout le prendre.

 

Cela, c’est pour indiquer que la lecture des cartes peut être plus simple que ce que l’on en attend. Mais il sera aussi dangereux de simplifier à l’extrême en essayant de les réduire en « positif » et en « négatif » quel que soit le contexte. Certains lecteurs cherchent un système de correspondance certain, du type « si le Jugement est à côté de l’Hermite, alors c’est toujours oui » (quelle que soit la question). Or, s’il y avait des règles objectives comme celle-ci, c’est-à-dire sur lesquelles on pourrait s’appuyer systématiquement, sans réfléchir, cela ferait s’effondrer immédiatement l’intérêt du Tarot parce qu’on ne peut pas demander à un outil de réflexion de réfléchir à notre place. Le Tarot n’est pas un oracle : son système le force à parler de la manière dont nous pouvons mener notre propre vie au mieux, c’est-à-dire qu’il donnera des conseils et nous amènera à voir les choses telles qu’elles sont pour en tirer nos propres conclusions.

 

tarot horaireAttention à ne pas essayer de faire ce pour quoi le Tarot n’est pas fait. Difficile de poser des questions de date à un outil de conseil existentiel : les questions de temps ne sont pas présentes dans le système (la réponse à la question « quand ? » est souvent « quand tu auras réussi à appliquer le conseil qui vient de t’être donné »).

L’astrologie est un exemple de système intégrant des notions de date, puisque les planètes sont objectivement à tel endroit à tel moment ; les cartes, non. Les questions hors système risquent de donner des tirages confus et de décourager le débutant.

 

Dans le même ordre d’idées, il ne faut pas oublier que la façon ritualisée que nous avons de poser les cartes a pour seul et unique but de nous aider à clarifier notre pensée. D’abord, on pose la question (la formuler est déjà un travail) ; ensuite, on détermine les emplacements du tirage (c’est-à-dire qu’on commence déjà à réfléchir à la question en l’analysant, ce qui est déjà d’une aide précieuse pour notre réflexion) ; enfin, on interprète chaque carte en fonction de chacun de ces emplacements, et de la question. Beaucoup de débutants se rendent compte qu’ils oublient les emplacements et la question au moment de focaliser sur les cartes, ce qui rend l’interprétation confuse ; il faut prendre garde à bien maintenir tous les éléments à l’esprit pendant que l’on construit la réponse. Le Tarot sert à obtenir une pensée claire : dans cet ordre d’idées, la « gymnastique » de l’interprétation doit mener notre esprit à être de plus en plus clair et structuré. En d’autres termes, bien lire le Tarot doit rendre intelligent :)

 

Autre facteur de difficultés non nécessaires : l’amputation du jeu. La France est restée fidèle au tarot de Marseille alors que le reste du monde est passé au tarot de Waite, dont les mineures illustrées sont tout de même beaucoup plus parlantes que les cartes abstraites du premier. On sait que les arcanes majeurs parlent de problématiques existentielles, et que les mineurs représentent situations du monde et attitudes ; on comprend donc bien que ceux-ci seront beaucoup plus faciles à lire, parce que ce qui se passe dans le monde, c’est concret. Le problème, c’est que les arcanes mineurs du tarot de Marseille sont illisibles pour qui n’a pas consacré un temps immense au décryptage de détails (qu’on pourrait même qualifier de spécieux) ; 99% des lecteurs français choisissent donc d’amputer le jeu des deux tiers pour n’utiliser que les majeurs. C’est utiliser des cartes faites pour représenter un vocabulaire existentiel et abstrait pour tenter de répondre à des questions souvent normales et concrètes : il faut pas mal d’énergie pour en tirer une lecture immédiatement utile, alors que tout aurait été beaucoup plus simple avec un vocabulaire plus étendu. Mieux vaut débuter avec le tarot de Waite, le plus vendu au monde parce qu’il nous permet de nous débarrasser d’un obstacle majeur : l’abstraction de cartes qui, au départ, n’étaient pas faites pour contenir un système ésotérique.

 

La troisième et dernière partie est là.