Ce tirage phare est un peu le couteau suisse du Tarot  ! Une fois qu’on le connaît, on peut s’en sortir dans à peu près toutes les situations. Découvrons ses particularités, ses pièges et ses mécanismes, pour savoir l’adapter à sa pratique personnelle et le lire avec naturel.

Vous retrouverez ce sujet dans ma chronique sur le podcast Le Magicien. Ce qui suit est une transcription de l’épisode.

Qu’est-ce que la Croix Celtique ?

La Croix Celtique est un tirage de tarot à dix cartes. C’est un tirage majeur, qui a toujours été largement le plus utilisé dans le monde anglo-saxon. On peut l’utiliser sans question, ou avec une question précise.

Contrairement au tirage en croix qui est difficile d’accès et ne s’utilise qu’avec les majeurs du tarot de Marseille, la Croix Celtique se fait avec un tarot complet (78 cartes). Cela la rend beaucoup plus facile à lire même s’il y a plus de cartes. Et malgré les apparences, elle n’est pas beaucoup plus complexe que le tirage en croix, parce que ses emplacements sont beaucoup plus concrets et faciles à comprendre. Vous avez du mal à percevoir la différence entre « l’enjeu » et « la synthèse » dans le tirage en croix ? Alors la Croix celtique est faite pour vous !

Les emplacements sont en général les suivants :
1/ Moi en général 2/ Mon problème 3/ D’où je viens 4/ Où je vais 5/ Le but 6/ L’enjeu 7/ Moi aujourd’hui 8/ Mon entourage 9/ Espoirs et craintes 10/ Résultat final.

Pour lire un tirage de tarot quel qu’il soit, il faut avant tout bien comprendre chacun des emplacements. Imaginez que vous ne soyez pas du tout sûr si un emplacement donné représente le passé ou le futur : si c’est le cas, il sera difficile d’avoir confiance en vos prédictions… Nous allons donc examiner chacun des emplacements de la Croix Celtique pour plus de clarté.

D’où vient la Croix Celtique ?

Dans son livre Pictorial Key to the Tarot, Waite l’appelle « une ancienne méthode celte de divination », mais ce tirage n’est ni ancien ni celte (d’abord, les anciens Celtes n’avaient pas de jeux de tarot). Comme pour les légendes sur l’ancienne Égypte, il faut se résigner à ce que la raison de cette appellation soit juste « parce que ça avait l’air cool ».

Waite est le premier à l’avoir publié mais la méthode n’est pas de lui ; d’ailleurs, il la modifie un peu. Pour lui, l’emplacement du bas représente ce qui est acquis, pourquoi pas ; il appelle l’avant-dernier « Espoirs ou craintes » selon que la carte est positive ou négative, ce qui est assez facile, mais je pense qu’on peut aller plus loin dans nos lectures. L’auteur Marcus Katz a retrouvé des traces d’autres descriptions de la Croix Celtique à la même époque, par d’autres auteurs, dans les archives de la Golden Dawn, et dans ces archives l’emplacement 9 est bien « les espoirs ET les craintes ».

Un tirage adaptable

D’abord, on a 10 emplacements. C’est beaucoup ! Mais ne vous inquiétez pas : si c’est trop pour vous, la beauté de ce tirage tient aussi dans sa capacité à s’adapter !

La Croix Celtique tient en deux parties. La première, c’est la partie générale, qui va examiner les grandes dynamiques à l’œuvre dans votre vie. Ses deux premiers emplacements sont : 1. Vous en général (ou votre énergie), et 2. ce qui vous pose problème. C’est déjà très intéressant ! Tellement intéressant que si vous ne faisiez que ces deux emplacements-là, vous auriez déjà des choses à dire.

Exemple à 2 cartes

Par exemple, vous pouvez tirer le 9 de Coupes pour vous représenter, et le Roi de Coupes pour représenter votre problème. Si on lit le 9 de Coupes comme la satisfaction dans le système Rider-Waite-Smith, en général, les choses vont bien et vous avez ce qu’il vous faut ; si on lit le Roi de Coupes comme la maîtrise des émotions, votre problème est de maîtriser vos émotions. On pourrait dire que vous avez du mal à vous empêcher d’être à fleur de peau, alors que tout semble aller bien dans votre vie. Peut-être y a-t-il quelque chose d’important à exprimer derrière ces apparences ?

Ensuite, si on le souhaite, on peut élaborer. On peut ajouter de part et d’autre de ces deux cartes, une carte pour le passé (3, d’où on vient), une carte pour l’avenir (4, où on va). Savoir d’où on vient, où on est aujourd’hui, et ce vers quoi on se dirige, c’est un Passé/Présent/Futur de base, avec en plus l’emplacement du Problème qui nous indique ce sur quoi on a à travailler. C’est aussi une façon parfaite de représenter les dynamiques d’une vie : quand on sait d’où on vient, et qu’on voit où on va, on connaît sa direction. Pas la peine d’être trop divination pour lire l’emplacement d’avenir : ce n’est pas une prédiction gravée dans le marbre, c’est ce vers quoi on est en train de se diriger, en ce moment. N’oublions pas que l’avenir s’écrit au présent !

Exemple à 4 cartes

Par exemple, imaginons qu’aux deux cartes dont j’ai parlé tout à l’heure, le 9 de Coupes et le Roi de Coupes, on ajoute, au passé, le 8 d’Épées, et au futur, le Jugement. Cela nous aide à mettre en perspective ce que nous avons dit tout à l’heure : aujourd’hui, tout semble aller bien dans votre vie, mais vous avez un problème avec la maîtrise de vos émotions, c’est-à-dire que vous êtes à fleur de peau, un rien peut vous mettre au bord des larmes. Essayons de comprendre : le passé est le 8 d’Épées, ou les pensées limitantes dans le système Rider-Waite-Smith. Peut-être vous a-t-on enseigné dans le passé que certaines choses étaient impensables, qu’elles n’étaient pas pour vous, ou qu’on n’en parlait pas. Ce faisant, on vous a posé une limite très dure. Pas étonnant qu’aujourd’hui vous ayez si souvent les larmes aux yeux sans savoir pourquoi, alors que votre vie paraît totalement satisfaisante : même si vous avez l’impression de ne pas avoir le droit d’en parler, ces aspirations interdites doivent inconsciemment vous manquer. Au futur, le Jugement représente une correspondance parfaite, le moment où l’on répond à l’appel de l’ange ; ce peut être le fait d’entendre l’appel d’une vocation que l’on avait ignoré jusque-là, et d’y répondre en vous autorisant à faire ce à quoi vous aspiriez depuis si longtemps. C’est donc la solution à votre problème, et en même temps l’affirmation que vous allez y arriver.

Nous avons maintenant 4 cartes. C’est un tirage parfait pour donner de la perspective en cinq minutes, et si on a envie de s’arrêter là, on aura déjà un bon point de vue d’ensemble.

On peut continuer de creuser en ajoutant 2 cartes. Une en haut (5) pour représenter ce qu’on a en tête, parce que la tête c’est en haut : elle représentera notre but conscient, c’est-à-dire ce à quoi on aspire, ce qu’on veut en ce moment. Cette carte va nous permettre de mettre des mots sur notre objectif, et ces mots seront parfois surprenants, puisque nous l’aurons tirée au hasard ; c’est l’occasion de s’avouer des choses ou de penser autrement. Par exemple, une Papesse pourra souligner l’envie de protéger son jardin secret le temps que ses ambitions mûrissent ; un 2 d’Épées pourra venir parler d’apprendre à se protéger ; ou bien, un Roi de Bâtons pourra souligner notre volonté d’entreprendre ! Voilà quelques exemples pour la carte du but.

La carte du dessous (6) va représenter ce qui est caché en dessous, les positions sont faciles à comprendre. On dit souvent que c’est l’enjeu, mais il faut bien comprendre ce que cela veut dire parce que c’est un terme assez abstrait. Dans mon expérience, cette carte-là va dire ce dont il est vraiment question dans tout le tirage, c’est-à-dire ce sur quoi je suis en train de travailler, moi qui fais ce tirage aujourd’hui.

Voici l’exemple d’une dame qui se tourne vers le Tarot pour savoir ce qu’il en est au sujet de la vente de son bien immobilier. Représentée par le 2 de Coupes, une personne ouverte et respectueuse, elle était recouverte par le 5 de Bâtons, c’est-à-dire que ce qui lui posait problème, c’étaient des désirs rivaux. Elle nous dit que ce qu’elle n’arrive pas à faire dans sa situation, c’est contenter tout le monde : son entourage qui veut qu’elle vende à une certaine date, son agence qui veut qu’elle vende avant, ses locataires qui voudraient qu’elle vende plus tard. La situation est bloquée parce que la dame reçoit des demandes contradictoires et qu’il n’y a pas de solution miracle qui convienne à tout le monde. A l’emplacement du bas, l’enjeu de la situation, elle tire le Diable : il nous fait comprendre que la vraie question qui se joue derrière cette situation n’est pas juste une vente immobilière, mais plutôt les chaînes que cette dame respectueuse s’impose elle-même, car en tant que seule propriétaire de sa maison, seul son désir à elle devrait avoir le dernier mot. Cette carte remet donc toute la situation en perspective : nous avions l’impression qu’il ne s’agissait « que » d’une vente immobilière, mais nous comprenons maintenant que nous parlons en réalité de la difficulté à s’affirmer face au désir des autres.

Nous voilà avec un tirage à six cartes qui nous permet déjà d’aller au fond d’une situation. Là aussi, on peut s’arrêter là si on veut : tout dépend du temps dont vous disposez, et de la profondeur à laquelle vous avez envie d’aller. La suite de la Croix Celtique va nous donner une vision plus concrète, car les quatre emplacements qui suivent montrent comment tout ce que nous avons déjà évoqué se traduit au quotidien.

Seconde partie du tirage

Nous allons maintenant attaquer la barre verticale posée à droite du tirage.

On commence tout en bas par une carte (7) qui va nous représenter nous, ici et maintenant. La différence avec le premier, « Moi en général », c’est que, en général, je peux être une personne optimiste, mais aujourd’hui en particulier, je peux quand même être contrariée parce que j’ai reçu une mauvaise nouvelle – l’un n’exclut pas l’autre, cela permet de se replacer dans la situation présente.
Si cette distinction ne vous parle pas, très bien ! Vous pouvez par exemple suivre Waite, qui propose de remplacer le tout premier emplacement « Moi en général » par « L’atmosphère générale de la situation dans laquelle j’évolue ». A ce moment-là, l’autre emplacement devient juste « Moi » tout court. Faites comme vous voulez !

Carte suivante (8) : mon entourage, traditionnellement « ma maison, mes amis, ma famille », ce sont les personnes que vous fréquentez. Pas besoin de ramener cette carte à soi : si le sujet de l’emplacement est « l’entourage », alors la carte ne peut parler que d’eux, pas de vous. C’est intéressant pour savoir dans quelles influences vous évoluez.

Le trésor caché de la Croix Celtique

L’avant-dernier emplacement (9) est à mon avis le plus intéressant. Waite l’appelle : les espoirs ou les craintes, selon que la carte est favorable ou défavorable. Cela me paraît difficile, parce que que faire quand la carte nous paraît ambiguë ou neutre ? J’ai du mal à considérer qu’un 4 de Coupes puisse être foncièrement bon ou foncièrement mauvais : parfois je me repose, parfois je m’ennuie.
Je trouve beaucoup plus intéressant de suivre le modèle des premières descriptions de la Croix Celtique, avec un emplacement qui dit carrément deux choses : les espoirs et les craintes. C’est fort, parce que c’est faire dire deux choses contradictoires à une seule carte. Je m’explique : si on parle de quelque chose que tu espères, on parle forcément de quelque chose que tu n’as pas encore acquis. Si c’était le cas, ce ne serait pas un espoir, ce serait un acquis. Seulement, si tu ne l’as pas encore acquis, c’est pour une raison : quelque part, tu le crains.

Cela vaut la peine d’exploiter cet emplacement au maximum : souvent, on lit « tu as l’espoir de… » (ce que dit la carte, par exemple la réussite si c’est un 6 de Bâtons), et juste après, on lit l’inverse de ce qu’elle dit, en ajoutant « et tu as la crainte de ne pas y arriver, de ne pas réussir », comme si la carte était devenue un 6 de Bâtons à l’envers. Mais qu’est-ce qu’on a ajouté comme idée en disant cela ? J’espère réussir, donc je crains de ne pas réussir ? Cela n’apporte rien de plus, donc autant ne pas le faire. Je pense que c’est beaucoup plus intéressant quand on assume la même carte dans les deux cas.

Toujours avec l’exemple du 6 de Bâtons qui représente réussite, victoire et reconnaissance dans le système du Rider-Waite-Smith : Premièrement, j’ai l’espoir de réussite, j’ai l’espoir de remporter la victoire, et que tout le monde me reconnaisse. Oui, mais pourquoi est-ce toujours de l’ordre de l’espoir ? Qu’est-ce qui m’a empêché jusqu’ici d’obtenir la victoire, si je l’espère toujours ? Sans doute que quelque part, je la crains aussi…

Je lis donc la carte une deuxième fois : ma crainte, c’est de réussir. Quand on réussit, on est reconnu par tout le monde, avec l’exposition, la vulnérabilité qui va avec. Quand on a la possibilité de réussir, on peut avoir l’impression que cela va nous enlever la nécessité de nous battre, de nous plaindre, de dire qu’on n’y peut rien, que ce n’est pas notre faute, et si cela laisse un vide, cela peut être angoissant… Il y a beaucoup de raisons de craindre la réussite. Si un tirage nous donne la possibilité de nous pencher dessus, c’est une occasion de les exorciser, de les remettre à leur place de croyances plutôt que de les laisser nous barrer le chemin.

L’emplacement « Espoirs et craintes » me paraît donc le plus intéressant de toute la Croix Celtique, justement parce qu’il est fait pour mettre en lumière les ambivalences. A la fois aimer et détester, à la fois vouloir et ne pas vouloir, « je t’aime mais je te déteste quand tu fais ça »… des ambivalences, nous en avons sur beaucoup de choses !

Terminer le tirage

Enfin, la toute dernière carte (10) représente l’avenir à court terme, c’est-à-dire ce qui risque d’arriver bientôt si la situation continue d’évoluer comme elle est représentée dans le reste du tirage. La différence entre l’emplacement d’avenir à court terme et l’emplacement du début, ce vers quoi je vais ou l’avenir en général, à long terme, c’est la différence entre ce que je fais au quotidien, et la direction que je donne à ma vie. Par exemple, dans mon avenir à court terme, je vais rencontrer mes amis pour boire un verre, mais dans mon avenir en général, je peux me sentir appelée à devenir un guide, à suivre la voie du thérapeute.

Encore une fois, si cette distinction ne vous parle pas, modifiez ! Souvent, on préfère dire que cet emplacement-là sera plutôt un conseil. Quand je le lis en avenir à court terme, je préfère déduire le conseil du reste du tirage. Si la carte sortie en avenir à court terme ne te plaît pas, comprends comment le reste du tirage t’y amène, et fais autrement. Si elle te plaît, comprends comment le reste du tirage t’y amène, et continue de faire cela. Dans les deux cas, on s’en sort bien ! C’est pourquoi les tirages de tarot introspectif sont toujours positifs, quelles que soient les cartes qui sortent. Gardons cela à l’esprit pour ne pas nous sentir effrayé devant certaines cartes qui piquent !

Avec tout ça, vous êtes paré pour maîtriser la Croix celtique dans tous les sens, et à votre sauce. Quand on la prend petit bout par petit bout, on se rend compte qu’il n’y a pas à s’effrayer du nombre de cartes. Il suffit de les lire une par une, pour voir l’histoire qui se dégage au fur et à mesure. Souvent, si on a du mal à lire, c’est que l’on va chercher beaucoup trop loin !

La Croix Celtique est un tirage universellement reconnu et un indispensable dans votre boîte à outils. Vous la retrouverez dans tout bon livre sur le Tarot, le coffret 78 tirages et les Antisèches.