La nuit sombre et effrayante.
La Papesse (II) nous avait fait observer notre monde intérieur, pour nous montrer qu’il va au-delà de ce dont nous sommes simplement conscient. Nous avons des rêves que nous ne comprenons pas, par exemple. La Papesse ne nous a pas appris à les maîtriser ; elle s’est contentée de nous faire prendre conscience que nous sommes un être à deux faces, et nous a laissés avec un avertissement : ne pas soulever le voile avant d’être prêt.
L’arcane II est régi par la Lune (représentée sur la couronne et aux pieds de la femme), car c’est le symbole de la nuit, des rêves, des formations de l’inconscient qui se déchaînent pendant le sommeil de la raison. La Gardienne montre qu’il y a un voile, mais pas ce qu’il y a derrière. Par conséquent l’arcane de la Lune, la vraie (et non plus une simple représentation), est bien ce qu’il y a derrière le voile : les forces de l’inconscient, auquel il va falloir se confronter pour réconcilier nos deux parties.
Symbolisme de la carte
1) Dans le marais vit l’Ecrevisse, animal qui mue mais sans se transformer. C’est notre part primitive, qui cherche à perpétuer le passé sans le modifier, dans le marais des habitudes.
2) Le chemin qui traverse la carte passe par deux animaux, puis deux tours, avant de se perdre à l’horizon.
Le chien domestiqué défend son territoire contre tout ce qui est étranger sans jamais interroger l’autorité de son maître ; c’est donc l’animal profane par excellence. Le monde profane va essayer de décourager celui qui avance à la recherche de l’initiation, en lui faisant sentir qu’il n’est pas raisonnable, qu’à abandonner le conformisme il risque la folie (le loup sauvage de l’autre côté du chemin sur Rider-Waite).
L’initiable va passer entre les deux animaux sans s’effrayer de leurs aboiements. Il sait que son chemin doit se faire dans la solitude : l’initiation étant une expérience qu’on ne peut pas faire à sa place, il ne peut donc plus agir comme les autres.
Et les deux tours marquent les frontières du monde commun raisonnable : lorsqu’il les aura dépassées, il ne pourra pas revenir en arrière – on ne peut pas recevoir l’initiation puis reprendre sa vie d’avant comme si de rien n’était.
L’initiable devra aussi finir par reconnaître que les trois animaux font partie de lui ; la preuve, ils sont tournés vers l’astre auquel ils aspirent confusément (reliés par les Yod). Ne pas reconnaître la part non évoluée en nous, c’est nous exposer à nous placer avec orgueil au-dessus de ceux qui sont moins évolués que nous. Alors que nous devrions nous reconnaître en eux, puisqu’avant nous étions à leur place. C’est indispensable pour pouvoir ensuite redescendre les guider sur le chemin de l’initiation, comme nous avons été guidés.
3) Dans le ciel, un profil de femme (une partie de l’âme est invisible), le visage menaçant (abandonner la raison est effrayant).
Sous la Lune, nous quittons le territoire de la raison pour entrer dans celui du rêve.Les formations de l’inconscient sont par nature « déraisonnables ». Lorsque nous y sommes confrontés (un lapsus, une compulsion de répétition…) nous pouvons décider qu’elles ne sont rien d’autre que des symptômes idiots et handicapants, et nous efforcer de n’avoir « rien à voir avec tout ça ». Ou bien nous pouvons nous servir de la psychanalyse pour nous tourner vers les profondeurs et interroger leur origine. Le passé ne se réduit pas à des souvenirs enregistrés comme une bande de film : il nous a formés, structurés, et nous continuons à composer avec lui, par exemple en réagissant selon d’anciens schémas sans en avoir conscience. Reconnaître l’influence du passé dans notre inconscient, c’est nous réconcilier avec lui : ce qui s’exprime en nous, bien compris, n’est alors plus une absurdité qui nous fait souffrir, mais un marqueur de notre développement que nous pouvons exprimer autrement.
Nous ne devons donc pas répéter sans cesse le passé (Ecrevisse), ni l’oublier (ce qui nous expose à en répéter les erreurs), ni le refouler (refuser de voir son expression hors de notre conscience). L’arcane XVIII nous apprend au contraire à nous fonder sur ce passé pour en tirer les enseignements qui nous aideront à construire. L’initié ayant traversé sa Nuit obscure a donc appris à devenir un être entier, en s’éloignant du conformisme de la raison pour oser jeter un oeil dans les effrayantes profondeurs de l’inconscient. En tant qu’être réconcilié avec lui-même, il peut alors rayonner de sa lumière sur autrui : ce sera l’arcane XIX, le Soleil.
Dans un tirage, l’arcane XVIII fait référence à tout ce qui appartient aux formations de l’inconscient, à l’angoisse (signal d’alarme qui se déclenche lorsque nous sommes près de toucher au refoulé), au monde du rêve, de l’illusion, de la folie, à la crainte que nous pouvons ressentir face à nos aspects primitifs ou sauvages, au passé avec lequel nous devons apprendre à composer plutôt que de nous y accrocher ou de le rejeter entièrement. C’est l’idée d’une traversée effrayante et solitaire de notre propre psychisme, pour mieux nous comprendre et cesser de subir les symptômes qui nous empêchent de vivre librement.
Bonjour,
La lune luit en pleint jour sur ces 2 cartes ! Pouvez-vous m’expliquer ? Merci beaucoup Emmanuelle,
Nath!
Je pense tout simplement qu’il s’agit de mettre au jour nos ténèbres, donc de les éclairer plutôt que de tomber dedans sans espoir, ce qui n’irait pas avec la progression de l’ensemble des cartes !