tarot de marseille roue de fortune significationComment surfer sur le changement

La Roue de Fortune : le titre rappelle un jeu télévisé où la vie des participants pouvait se retrouver bouleversée par un énorme gain d’argent… ou pas. Belle manière de signifier que rien d’important n’est entre nos mains.

Parfois tout nous semble aller dans notre sens, puis les choses se gâtent et quoi qu’on fasse on se retrouve emporté dans les ennuis. La vie est un continuel changement, fondé sur une instabilité permanente (l’eau sur laquelle s’appuient les tréteaux sur l’image) ; c’est d’ailleurs ce qui en fait la vie, car les choses figées sont mortes. Une interprétation simpliste de notre carte pourrait être : si ça va mal, ça va aller mieux, et ne nous reposons pas sur nos lauriers, car le contraire vaut aussi.

Le conseil serait alors d’accepter de ne pas s’agripper à un réel sur lequel on n’a de toute façon pas prise. Il est facile de se réjouir lorsque les choses vont dans notre sens et de sombrer dans le malheur lorsqu’elles se retournent contre nous ; or, cela montre que nous avons des réactions mécaniques – elles ne dépendent pas de nous, mais des choses. Où sont alors les possibilités d’action ?

Observons les trois animaux de la carte pour comprendre ce que nous pouvons faire.

On peut subir les choses en souffrant. Cela n’est pas entièrement mauvais, car cela nous emmène dans des profondeurs dont nous ressortirons armés d’une nouvelle connaissance de nous-mêmes – c’est pour cela que l’animal rouge qui semble écrasé par la roue sur le Rider-Waite a une tête de chacal, car Anubis est le dieu des profondeurs en même temps que de l’au-delà.

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On peut aussi choisir de se laisser emporter en profitant du voyage : accueillir ce qui nous arrive tout en faisant de notre mieux pour les faciliter. Un peu comme ce serpent rigolo, qui semble capable de contourner les obstacles de toute forme sans se laisser écraser. Par exemple, si nous nous retrouvons submergé par les tâches, plutôt que de désespérer et nous bloquer, nous pouvons très bien chercher le moyen de les écouler avec le plus de fluidité possible, par exemple en déléguant au maximum et en jouant au chef d’orchestre. Contrairement à son comparse rouge, le serpent est adaptable. Il peut modifier la forme de son corps, c’est-à-dire qu’il ne s’oublie pas face aux circonstances : il nous rappelle ainsi qu’il faut lever la tête du guidon et prendre le temps de voir où nous sommes par rapport aux choses qui nous entourent. C’est ainsi que nous nous rappelons de la direction à ne pas lâcher, et que nous prenons de bonnes décisions.

Voilà donc deux façons de réagir au changement : subir, ou s’adapter. Or, il serait tout de même bon de trouver un équilibre. On se doute bien que quand on a un problème il vaut mieux s’y attaquer avec discernement plutôt que de paniquer. Le Tarot ne sert pas à dire des généralités sur la vie, il vise à augmenter notre niveau de conscience et par là notre liberté. Donc, sachant que la vie est une incompréhensible suite de flux et de reflux, comment cesser de subir et se libérer de tout cela ?

Le Sphinx posé au haut de la roue est le seul des trois animaux à avoir une assise stable, les deux autres étant emportés. Le Sphinx, c’est celui qui connaît l’énigme. Jodorowsky remarque dans la Voie du Tarot, que l’élément qui permet l’équilibre est l’énigme émotionnelle : en général, lorsqu’on est bloqué, c’est à cause d’un noyau affectif irrésolu. Continuons dans la direction que nous indiquent toutes les lames jusqu’ici. L’énigme que nous avons tous à résoudre, c’est celle de notre Désir : qu’est-ce que je veux vraiment ? Quelle est ma voie et comment puis-je la reconnaître ? Les arcanes précédentes ont indiqué la direction de ce Désir (VI), puis comment suivre cette direction même si on n’en connaissait pas le but (VII) ; l’Ermite (IX) s’est retiré du monde pour réfléchir à, tout cela et la carte qui le suit, la Roue de Fortune (X), doit être le résultat de sa méditation. Nous avons vu que l’Ermite avait compris la singularité de son désir, et que c’était cela qui lui permettait d’agir comme un véritable guide, sans essayer d’imposer sa vérité aux autres. Le Sphinx peut donc représenter celui qui accepte l’énigme qu’il est pour lui-même.

Et c’est cela qui lui permet de trôner au sommet de la Roue sans être emporté : sachant qu’il possède un Désir énigmatique, et qu’il a pu en déterminer au moins la direction, il s’est engagé à utiliser l’épée de discrimination qu’il a entre les mains pour toujours trancher dans le sens de ce Désir qui est en lui, sans jamais le trahir. On voit bien que les gens qui ont la poisse tout le temps, et qui subissent des problèmes auxquels en apparence ils ne peuvent rien, sont ceux qui ont du mal à savoir clairement quelle direction suivre ; leur conflit interne peut s’exprimer inconsciemment dans ces situations.

 

Dans un tirage, la Roue de Fortune pourra marquer la fin d’un cycle et le début d’un nouveau. Elle nous rappelera que s’accrocher n’est pas forcément utile, fera prendre de la perspective, de la hauteur sur nos problèmes afin que nous ne restions pas hypnotisés par eux et puissions en tirer parti ; elle nous recentre et aide à trancher de façon à faciliter le mouvement des choses autour de nous sans en souffrir ; elle nous encourage en nous rappelant que tant que nous restons cohérents avec nous-mêmes et gardons en vue notre désir, alors les choses viendront à nous d’elles-mêmes. La Roue nous met aussi en garde contre les dangers de l’inadaptation : faire les choses à contre-temps, rater les opportunités etc., c’est manquer de cette perspective qui fait que nous nous élevons au-dessus du monde sans nous mettre à ignorer ses lois.