Les images des arcanes présentent des différences plus ou moins prononcées selon le jeu qu’on utilise. Un personnage tourné vers la droite dans une certaine version du tarot de Marseille peut se retrouver tourné vers la gauche dans une autre, un objet tenu à la main est remplacé par un autre, un détail ajouté. En quoi cela change-t-il l’interprétation et comment en tenir compte dans un tirage ?
1. Bien faire la différence entre l’accessoire et l’essentiel
Lire le Tarot, c’est s’appuyer sur un système de lecture construit au XVIIIe siècle pour créer un outil cohérent. Ce système consiste à dire qu’à chaque carte correspond une idée essentielle, majeure, et à approfondir chacune de ces idées à force de réflexion, de méditation et de travail sur soi. Par conséquent, chaque arcane contient une idée de base, exprimée symboliquement par son personnage principal, et approfondie par ses détails. Ainsi, l’arcane XIII, c’est la transformation ; le symbole, c’est un squelette, qui signifie la mort de ce qu’il y avait avant ; les détails, ce peut être le champ fertile qu’il fauche dans le tarot de Marseille pour signifier que si la transformation implique de se débarrasser de ce qu’il y avait avant, c’est pour laisser la place au nouveau d’advenir.
Pour chaque carte, donc, il faut bien comprendre l’idée de base (transformation), puis faire personnellement le travail d’approfondissement indiqué par les détails. L’interprétation se rattachera donc toujours à l’idée principale. Mais selon les détails qui apparaissent sur le jeu particulier qu’on utilise, on pourra faire apparaître les nuances qui lui sont propres. Par exemple, l’arcane XIII du Rider-Waite montre toujours un squelette, mais au lieu de cultiver un champ, il est représenté en compagnie de diverses figures plus ou moins parées. Il s’agit toujours de parler de transformation, mais cette fois-ci, le jeu introduit l’idée que plus on est accroché à son ego, plus la transformation sera difficile (le roi qui n’est qu’un personnage d’apparence est écroulé par terre, terrassé ; le petit enfant innocent, qui ne réfléchit pas à l’image qu’il renvoie aux autres, n’est pas touché). Le Visconti-Sforza, le plus ancien jeu de tarot connu, comporte deux versions bien différentes de l’arcane XIII : l’une est un squelette cavalier, comme sur le Rider, l’autre un archer décharné, pour signifier que la mort est quelque chose qui peut frapper très vite et de façon imprévisible.
Dans le système de la lecture du Tarot, on gardera donc toujours la notion de transformation (c’est une mort symbolique et non littérale, sinon ce serait la dernière carte du jeu), mais une lecture avec cette version particulière du Visconti-Sforza pourrait insister sur la rapidité que peut avoir cette transformation.
Donc, l’invariant est l’idée de base de la carte, mais les détails propres à chaque jeu lui confèrent ses propres nuances. Il ne faut pas se laisser influencer par les ressources qui vont consacrer des pages et des pages à l’idée que le Bateleur doit absolument tenir son bâton de la main droite et pas de la main gauche, parce que sinon il représenterait un « faux initié », alors qu’on possède un jeu où il tient son bâton de la main gauche et où tout se passe bien quand même. Ces réflexions ne sont pas des vérités absolues en matière de Tarot (n’oubliez pas que le système de lecture est une construction qui varie largement selon les auteurs, tout simplement parce que ce qui compte est la cohérence interne et non pas les détails accessoires) ; ce sont les façons qu’ont eues les différents auteurs de faire le travail d’approfondissement nécessaire pour maîtriser la carte dans le cadre d’une lecture personnelle. Si on voit des merveilles dans le fait que le Bateleur soit gaucher plutôt que droitier, alors qu’un certain auteur pense le contraire, c’est très bien. On n’étudie pas le Tarot pour se soumettre à l’idée de tel ou tel écrivain mais pour en faire un outil de liberté personnelle.
2. Pas seulement le sens des cartes : à chaque jeu, son ambiance
Aujourd’hui, le marché comporte des centaines voire des milliers de jeux de Tarot différents, en général basés sur le système du Rider-Waite qui a largement fait ses preuves depuis 1910. Mais chaque auteur apporte bien sûr sa propre vision. Pour choisir le jeu avec lequel on va lire, il faut donc en tenir compte, en sachant que l’interprétation variera en fonction de l’éclairage que tel ou tel auteur aura choisi de lui donner. Cet éclairage sera plus ou moins personnel, donc il vaut mieux s’assurer qu’il correspond à la manière dont le lecteur perçoit la carte. Par exemple, la Force de la première version du Visconti m’est illisible : elle représente un Hercule en train de casser la figure de son lion à coup de gourdin, pour signifier le fait qu’il faut être plus fort que ses passions. La seconde version (que vous pouvez comparer ici) est par contre beaucoup plus douce : on y retrouve la femme dont nous avons l’habitude, en train d’ouvrir doucement la gueule de l’animal, pour signifier que les passions se maîtrisent mieux en les écoutant qu’en les écrasant. Dans les deux cas, il s’agit de maîtriser ses passions ; mais la version de l’Hercule risque d’être une fabrique à névroses.
3. Le Tarot des regards : interpréter en fonction des symétries ou des blocages
Le sens d’une carte et ses détails apportent donc des nuances à l’interprétation sans modifier l’idée de base de la carte, déterminée par le système. Le sens dans lequel avancent les personnages pourra avoir un impact important sur l’interprétation d’un tirage en fonction de l’effet graphique qui se dégagera des cartes posées ensemble. Par exemple, avec le tarot de Marseille, un Mat posé à gauche du Bateleur pourra donner l’impression d’aller vers lui avec sûreté. On parlera donc de l’évolution naturelle qu’il y a dans le fait de se lancer (Mat) pour arriver à être celui qui agit (Bateleur) de manière confiante et professionnelle. Avec le Rider-Waite, le Mat part carrément de l’autre côté : selon ce que cette disposition évoque au consultant, il sera alors possible d’évoquer le fait d’en avoir assez de toujours être celui qui fait tout ou qui fait le messager (Bateleur) et d’avoir envie de partir carrément de l’autre côté pour être tranquille. Quel est le « bon » tirage ? Celui qu’on a fait avec le jeu qu’on a choisi d’utiliser à ce moment-là, avec l’interlocuteur que l’on a.
On voit bien dans les deux cas qu’on ne s’appuie pas sur ce qui serait une interprétation « officielle », puisque de toute façon l’important, c’est ce qu’il se passe dans la vie du consultant, et que celle-ci n’a jamais été prévue par les manuels d’apprentissage.
Illustrations, dans l’ordre : la Mort en version Ancien Tarot de Marseille (Grimaud), Visconti-Sforza version Morgan Library, Rider-Waite, Deviant Moon et Visconti-Sforza version Cary-Yale. Le Mat, Rider-Waite vs Camoin-Jodorowsky.
Bonjour,
Grâce à vos articles, je trouve presque toutes les réponses à mes questions ! :)
Sauf celle-ci : Peut-on faire une séance de tirages pour une personne avec un TM pour commencer et un RW pour continuer, aller plus loin, confirmer ? Ou l’inverse, RW, puis TM. A moins que tout cela ne soit pas logique et que seule l’utilisation d’un tarot soit profitable ?
J’ai un TM Camoin-Jodo et un RW Steampunk de Barbara Moore.
Et vivement une formation avec vous…
Merci du temps consacré à cette réponse.
Je pense que la raison pour laquelle on ferait le choix de tirer avec l’un *puis* l’autre doit d’abord être parfaitement claire. Que chercheriez-vous par là ? L’idée de « confirmer » me paraît problématique puisque là on quitterait le questionnement de la personne pour passer en mode « je teste les cartes », ce qui ne nous intéresse pas et ne fonctionnera pas. Aller plus loin, par contre, oui s’il s’agit de changer d’ambiance, mais je pense qu’encore faut-il être certain d’avoir épuisé tout le tirage précédent.
La question de tirer avec les deux se pose de toute façon : les majeures de type Marseille sont meilleures, et les mineures de Waite indispensables, c’est un problème ! :)
Bonjour à toutes et à tous,
Quel est le bon tirage ?
Oui effectivement, celui que l’on vient de faire en cet instant précis, puisque tout est changement.
Le tarot vous a dit quelque chose il y a une semaine, mais entretemps vous avez réfléchi, médité, prié, rencontré différentes personnes, aidé, étudié, posé différentes actions : votre vie en a alors été impactée.
Donc vos chemins se sont vraisemblablement élargis et multipliés, vos choix et vos possibilités se sont accrus… Vous avez changé votre chemin et votre destin…
C’est donc bien le dernier tirage qui s’avère valable, sachant que votre vie change chaque jour au gré des différentes actions que vous posez.
La vie est changement,
ou bien la vie est un rêve dont vous êtes à la fois l’acteur et le scénariste en décidant de poser des actes et de changer les dialogues et les scenarii et donc le ou les dénouements…
Merveilleuse vie à tous !