Beaucoup d’articles en français sur le Tarot se livrent à un exercice obligé : citer les archétypes de Jung à propos du Tarot. C’est en général pour donner un gage de sérieux et de respectabilité à des réflexions sur le tarot divinatoire, qui souffrent de son image négative auprès du grand public. Est-ce que cela apporte vraiment quelque chose ? Essayons de clarifier.
Le raisonnement a en général la forme suivante :
1) On doit à Jung les notions d’inconscient collectif et de synchronicité.
2) Si on s’appuie sur Jung, qui n’a pas parlé du Tarot, on peut donc expliquer qu’il y ait des liens entre les cartes battues au hasard (c’est une machine à synchronicité) et le reste de l’univers (car en divination les cartes se comportent comme le monde qu’elles représentent).
3) De plus le Tarot fonctionne parce qu’il représente les archétypes, et c’est pour cela qu’il nous parle spontanément, ou qu’on se reconnaît dans les cartes qui sortent.
Cela nous paraît doublement fallacieux parce que c’est un argument d’autorité (Jung dit… quelque chose de compliqué, qu’on va accepter pour la suite) qui n’explique rien (« le tarot fonctionne parce qu’il y a des archétypes » = « l’opium endort par sa vertu dormitive »).
(Et que le lecteur qui ne s’est jamais retrouvé devant un tirage incompréhensible nous jette la première pierre : le Tarot ne parle pas si spontanément que cela).
Essayons donc de voir si on peut comparer l’un et l’autre, parce que l’amalgame a l’air vraiment répandu.
Les archétypes de Jung sont la représentation, en général dans le cadre d’un mythe ou d’un rêve, des structures instinctuelles a priori. Ce sont donc des images primitives.
Le Tarot est au contraire quelque chose d’intensément élaboré. Ses images ne sont pas évidentes, et elles contiennent toutes une réflexion compliquée.
On peut trouver des liens, parce qu’on trouve toujours des liens si on regarde assez longtemps. Par exemple :
- le Vieil homme sage serait l’Ermite
- l’anima serait l’Impératrice
- l’animus serait l’Empereur
- l’Ombre serait le Diable… etc.
(« Etc », parce que ces morceaux choisis ont l’air de fonctionner, mais il nous paraît compliqué d’aller plus loin avec des cartes complexes comme Tempérance ou le Jugement).
Le problème, c’est que cette lecture superficielle nous paraît oublier l’intérêt du Tarot, qui est ses enseignements pensés pour nous aider à avancer. Dans le cas de la Force, c’est « tes pulsions ont quelque chose à te dire, et ce quelque chose qui parle de toi » : c’est intéressant, on n’y avait pas forcément pensé, surtout si on a l’habitude de les réprimer. Mais ce n’est pas un archétype. Un archétype est une image primitive, et l’enseignement de la Force est au contraire une idée intensément élaborée, très intellectuelle. C’est une théorie de psychanalyste, pas la représentation d’un mécanisme primitif. L’anima, c’est féminin comme l’Impératrice, la Papesse et la Lune, mais quel conseil dégager de là ? L’Ermite n’est pas si sage, sinon il s’appellerait le Sage et il serait à la fin du jeu. Et l’Empereur ne représente pas l’animus. L’animus chez Jung apparaît d’abord comme un parangon de force physique, donc un type musclé. Or ce n’est pas par la force physique que l’Empereur règne : c’est parce qu’il est Empereur, donc par la Loi, ce qui est tout le contraire. On a l’impression que non seulement ces liens sont faux, mais qu’en plus ils nous privent de la réflexion qui fait toute la force du Tarot.
Par contre ce qui fonctionne, c’est considérer le Tarot comme ce que Jung appelle un chemin d’individuation. On a clairement un début et une fin, et on peut facilement dégager une progression d’une carte à l’autre. Là, le parallèle avec la doctrine de Jung nous paraît parfaitement justifié. L’individuation, c’est le processus qui amène le Soi à intégrer toutes les différentes parties de lui-même qu’il ignorait ou refoulait. Le Tarot parle du même sujet, donc ça peut correspondre à peu près. D’habitude on considère que la conclusion de ce chemin correspond au Monde du Tarot, mais nous aurions plutôt tendance à la reconnaître dans le Soleil, puisqu’il suit immédiatement une confrontation directe au refoulement avec la Lune. Quoi qu’il en soit, l’individuation est une toute autre notion dans l’oeuvre de Jung que celle des archétypes, donc il ne faut pas tout mélanger.
En plus, les archétypes ne sont pas des étapes. Ce serait comme dire que les roues d’une voiture sont une étape sur le chemin des vacances. Non, c’est une partie de ce dont on se sert pour y arriver. Il faudrait du temps pour analyser les différences entre l’individuation chez Jung et le chemin d’éveil dans le Tarot… mais ce n’est finalement qu’une occasion d’inspiration.
(L’image de l’Ermite est tirée du Mutation Tarot ; le 2 de Coupes est dessiné par Joel Carroll ; le Monde est celui du Morgan-Greer Tarot).
Le tarot parle à celui qui peut entendre….
le tarot de marseille en occident comme le yi king en orient sont des mediateurs entre l’humain et le cosmos ( on peut dire aussi entre l’humain et sa conscience c’est -à-dire entre l’humain et lui-même..)
Il y a nécessairemet des « liens » entre Jung ses archétypes et les figures du tarot , mais cela ne constitue pas un sujet à débattre avec un raisonnement analytique !