Toutes les cartes de Tarot ne sont pas roses et souriantes, au contraire. Comme dans le langage verbal, certains mots ont des connotations plus dures que d’autres, et il en faut l’éventail pour pouvoir parler de tout. Mais que faire lorsqu’un tirage innocent fait sortir des cartes qui effraient ? Voici comment les interpréter de façon constructive, parce que le Tarot sert à cela.

Voici une traduction d’un passage écrit par Brigit Esselmont, la fondatrice de Biddy Tarot. Ce passage me paraît l’exemple le plus direct d’une carte dite “noire” utilisée de façon constructive (article original ici, en anglais) :

 

Il y a quelques mois, je me suis fait tirer les cartes via Skype par le formidable James Wells. J’étais impatiente de recevoir une interprétation éclairée, motivante et intense, sur mon entreprise et la direction qu’elle allait prendre sur les douze mois qui venaient.

James m’avait créé un tirage à huit cartes, dont la première position était “Quelle est ta voie spirituelle et ton but authentique”. Je me disais tout bas : “Faites que ce soit l’Étoile, le Monde, la Papesse, quelque chose de bien”. Et James a retourné la carte.

La Maison-Dieu.

Silence.

Les mots se bousculaient dans ma tête. Désastre. Ruptures. Catastrophes. Chaos. Bouleversement.

“Oh, là, là”, me dis-je. “Comment tu vas te sortir de celle-là, James ?!”.

James leva les yeux et dit calmement : “Cela, Brigit, c’est le fait d’être un catalyseur. De déclencher le changement. Tu es là pour apporter le changement”.

Ah, quel soulagement !

Et quelle élégance. James avait réussi à faire de cette carte apparemment “mauvaise” le révélateur d’un message puissant et riche d’enseignements pour moi.

 

rider waite maison dieu significationEt en effet, la Tour est une construction qui s’écroule : elle représente l’éclatement des schémas intellectuels, préjugés et croyances qui nous enfermaient jusque-là. Angoissant, bien sûr (d’où le fait que la représentation anglo-saxonne de la Maison-Dieu soit plus agressive que celle du tarot de Marseille) : il est terrible de se rendre compte que l’on fonctionnait sur des croyances sans fondement réel. Mais mieux vaut quitter le préjugé pour la réalité qu’y rester confortablement installé, non ?

Brigit tire et enseigne le Tarot. Sa carte tombe particulièrement bien, parce qu’elle vient représenter ici ce que c’est que bien utiliser l’outil Tarot : permettre au consultant de voir directement ce qui l’empêche d’avancer (croyances, craintes, petits mensonges à soi-même) pour lui permettre de reprendre les rênes en toute authenticité, plutôt que de lui raconter ce qu’il a envie d’entendre.

Le Tarot est fait pour être utile. Ses messages se doivent donc d’être constructifs ; une bonne interprétation ne peut donc pas enfermer dans l’impuissance ou dans la crainte. L’exemple de Brigit montre que l’anxiété peut nous amener à réduire la signification de la carte à quelque chose de négatif, alors que chaque carte porte un enseignement ; or, un enseignement négatif ne sert à rien.

Les autres majeures

tarot marseille arcane sans nom asn mortOn sait déjà que la Mort ne représente jamais une mort littérale (sauf dans les films à spectacle) : c’est une mort symbolique, au milieu d’un jeu fait de symboles – une mort littérale serait tout à la fin.

Il s’agit de se débarrasser de l’obsolète pour faire place au nouveau, comme l’illustre bien ce squelette agriculteur, qui fauche un champ dans lequel des morceaux de corps en décomposition nourrissent les pousses qui se déploient. Difficile d’y voir quelque chose de négatif, puisque rester accroché à l’obsolète n’amène que des ennuis. Il s’agit de passer à autre chose, de laisser tomber les anciens schémas, de renouveler son approche : dans un tirage sentimental, par exemple, il s’agira de reconnaître les anciennes dynamiques dans lesquelles on est pris, et de s’en débarrasser pour arriver à quelque chose de plus authentique. Est-ce que cela signifie forcément que vous devez vous débarrasser de votre partenaire ? Non, seulement si votre interrogation vous amène à sentir que vous ne restez dans cette relation que par habitude ou par crainte d’être tout seul, et que rien d’autre ne vous y retient. Si votre relation est saine, peut-être s’agira-t-il de mieux traiter l’autre en laissant tomber certaines dynamiques qui n’ont plus besoin d’être : lui demander d’être toujours celui qui rassure, continuer à lui reprocher un ancien malentendu, etc. C’est aussi au consultant de se demander ce qu’il peut transformer. Le Tarot n’est pas là pour faire le travail à votre place, mais pour vous indiquer les pistes de réflexion que vous auriez intérêt à suivre.

Le Diable parle des choses qui nous lient, en suggérant qu’on n’y est pas étranger. C’est une carte qui a pour effet immédiat de nous libérer du sentiment d’impuissance qui pouvait nous écraser : par exemple, nous nous sentons lié à cause d’une personne qui ne cesse de nous embêter, mais l’attitude désinvolte des deux petits personnages attachés aux pieds du Diable nous rappelle que nous avons aussi la possibilité de cesser de lui répondre. C’est déjà un effet diablement positif ; mais il n’empêche qu’on peut aussi se laisser lier par des choses peu condamnables, comme une promesse, ou l’attraction sexuelle qui permet une partie de jambes en l’air bestiale. Si vous tirez le Diable pour représenter le bel homme que vous avez croisé en soirée il y a peu, n’en concluez pas trop vite que c’est un salaud, il n’y a pas toujours de mal à se faire du bien.

tarot lune carte rider waite radiantLa Lune parle moins de féminité que l’Impératrice, car être femme n’implique pas forcément de hurler à la lune en compagnie d’étranges animaux. Elle représente plutôt les profondeurs de l’inconscient, ces dynamiques obscures qui peuvent se représenter par du primitif (l’écrevisse), du sauvage (le loup) et du domestiqué (le chien, dont la fonction de gardien est une belle illustration du Surmoi ou des inhibitions acquises). Avec son côté illusoire, elle peut représenter les feuilletons romantiques que l’on se déroule en imagination avant de s’endormir, au sujet d’une personne qui nous attire ; ce n’est pas un drame, c’est surtout flatteur pour elle. Dans un contexte de travail sur soi, c’est une bonne chose de faire beaucoup de rêves ; il est aussi souhaitable d’apprendre à surmonter ce qui nous fait peur, et de surmonter des épreuves qui nous fassent grandir.

Le Mat part à l’aventure. Le consultant n’est pas forcément sur le point de faire une bêtise, et il ne faut pas le traiter de fou quand il tire cette carte, comme je l’ai déjà entendu !! Se lancer, c’est forcément quelque chose de déraisonnable, car on a toujours toutes les raisons de rester là où on est : quelqu’un qui languit dans un travail ennuyeux a au moins la sécurité de l’emploi, et la certitude qu’au moins, les problèmes qu’il rencontre dans ce travail, il les connaît – c’est beaucoup moins angoissant que se jeter peut-être au-devant de nouveaux problèmes qu’on ne maîtrise pas encore. Cela signifie-t-il qu’il ne faille jamais se lancer ? Certainement pas ; le Fou l’est simplement pour souligner ce que c’est vraiment que se lancer. Réfléchissez-y en connaissance de cause.

 

Le travail d’interprétation, c’est trouver ce que la carte à a apporter de constructif dans notre tirage. On voit bien dans l’exemple de Brigit que l’anxiété peut nous amener à nous bloquer sur une signification négative, alors que celle-ci n’a rien de concret à nous apporter. Le Tarot n’est pas là pour nous insulter ou nous décourager : son travail est toujours de nous aider à y voir plus clair et à avancer au mieux, puisqu’il est fait pour cela. Les mineures au prochain article !