Qu’appelle-t-on carte volontaire ? C’est celle qui “saute” spontanément du paquet pendant qu’on bat les cartes. L’effet est impossible à provoquer exprès : essayer ne donne rien, ou alors on fait tomber la moitié du paquet. Les cartes sont battues dos face à soi ; pendant le mélange, l’ensemble du paquet reste normal, sauf une, qui tombe ou se retourne directement pour se retrouver tout à coup face visible.

Conserver cette carte est très utile. Par exemple, si elle est tombée avant un grand tirage, il est particulièrement efficace de lui donner la place centrale (celle qui représente le consultant lui-même). Pourquoi la prendre en compte plutôt que la considérer comme une erreur ou une maladresse de notre part ?

canard qui glisse

Pour deux raisons. D’abord, nous avons besoin de conserver la fluidité de l’interprétation. Lorsque la carte tombe face visible, on ne peut s’empêcher de la lire, et de se rendre compte de sa pertinence par rapport à la question que nous sommes en train de poser ! Si l’on choisit de revenir en arrière en faisant l’effort de “bloquer” ce raisonnement qui a déjà commencé en nous, pour lire les autres cartes sans en tenir compte, le processus sera plus difficile. Or, faire de l’interprétation une gymnastique compliquée est le meilleur moyen de se mélanger les pinceaux ; ce n’est pas par des contorsions mentales que les cartes arrivent à faire sens.

Mais surtout, refuser qu’un “acte” spontané de notre jeu puisse avoir du sens, c’est se mettre dans une attitude restrictive : “ne parleront que les cartes que MOI, j’ai décidé de tirer”. Or, si nous tirons les cartes après les avoir mélangées au hasard, c’est pour une bonne raison. Ni ce que nous savons déjà, ni la logique n’ont suffi à résoudre notre problème, puisque nous sommes toujours là avec notre question. C’est donc qu’il reste des aspects que nous n’arrivons pas à voir, ou que nous ne parvenons pas à penser. Imaginons que nous choisissions une par une les cartes que nous posons sur la table : ce serait leur faire dire ce que nous pensons déjà, ce qui n’amènerait rien de plus, et nous laisserait bloqués. Les tirer au hasard, c’est ouvrir la porte au fait qu’elles nous disent quelque chose de surprenant, ce que nous ne pensions pas. C’est donc notre seule chance de dépasser le point de vue que nous avons maintenant, et dont la réalité nous a démontré qu’il était insuffisant (sinon, nous aurions pu passer à autre chose depuis longtemps). Lorsqu’une carte “saute” du jeu sans que nous l’ayons voulu, il nous revient d’accepter que le tirage ait commencé plus tôt que ce que nous pensions, et à l’utiliser dans notre travail. Cela nous apprend aussi à nous adapter naturellement aux événements au fur et à mesure qu’ils arrivent – sachant qu’une certaine rigidité face aux changements qui nous entourent est souvent cause de nos ennuis.